Autrement (avec des légumes)
Un film de Anne Closset
AUTREMENT interpelle notre pouvoir de changement au travers d’une expérience citoyenne qui développe de nouveaux modèles de partenariats entre consommateurs et agriculteurs.
En partant de son groupe d’achat solidaire, la réalisatrice rejoint un réseau dynamique qui l’emmène, de Bruxelles à Zagreb, à la rencontre d’un mouvement en plein effervescence : les CSA (Community-supported Agriculture).
En réinvestissant le lien entre eux, les mangeurs et les producteurs mettent en place un mode de consommation alternatif en circuit court, respectueux du vivant. Par le biais de l’alimentation, qui touche tout le monde, l’expérience des CSA remet l’humain au centre des échanges.
Pouvons-nous devenir des acteurs du changement ?
Rencontre avec Anne Closset
Propos recueillis par Françoise Wallemacq ( journaliste à la RTBF)
La révolution est dans le champ (avec des légumes)
Ce film est un accouchement joyeux que je vis depuis plus de deux ans. C’est un film sur une expérience apparemment anodine, mais qui me questionne sur ma manière de vivre, ma posture de consommatrice, de citoyenne, de mangeuse. Ma rencontre avec le mouvement ASC (Agriculture Soutenue par la Communauté) a été un détonateur. Ce mouvement a vu le jour il y a une vingtaine d’années, initié par les consommateurs et les agriculteurs. Les uns voulaient se nourrir sainement, les autres voulaient survivre, et faire dignement leur travail. Aujourd’hui, le mouvement commence à prendre de l’ampleur. On le retrouve sous différentes formes dans de nombreux pays comme le Japon, les Etats unis, l’Europe de l’ouest et plus récemment l’Europe de l’est. Aujourd’hui, le réseau s’étend dans 22 pays d’Europe !
Du champ à l’assiette
Quand j’étais petite, ma mère avait un dépôt de produits bio dans notre garage collectés chez de petits producteurs. Elle approvisionnait des familles du quartier. Aujourd’hui, cette relation directe entre le producteur et le consommateur est devenue essentielle, vitale. Manger bio ne suffit plus. Face à la loi du marché, la filière bio s’industrialise et perd de sa cohérence. Le mangeur réclame une relation personnelle, sans intermédiaire avec le paysan. Ainsi sont nés les « GASAP » en Belgique (Groupes d’Achats Solidaires de l’Agriculture paysanne). Un réseau bruxellois où les consommateurs sont prêts à s’engager à l’année avec un maraîcher bio, labellisé ou non. Chaque membre s’engage à acheter un panier de légumes de saison tous les 15 jours. Cet engagement m’a permis de faire progressivement connaissance avec ces maraîchers, et à m’investir dans le réseau qui s’est révélé être un mouvement authentiquement citoyen : les GASAP questionnent le politique et interrogent l’avenir.
Où Cours-je ?
Le mangeur retrouve un pouvoir, à condition de modifier son comportement. Le changement est possible, il est même à portée de main. Nous sommes le monde, je suis le monde. Ce mouvement citoyen donne de l’espoir dans une société qui se méfie du politique et des modèles économiques dominants. Le maraîcher avec qui je me suis engagée à l’année m’a un jour confié : « Tu sais, si tu ne connais pas les gens qui vont manger ce que tu produis, au fil du temps, sans t’en rendre compte, tu finis par t’en foutre s’ils sont malades ou s’ils en crèvent ! Mais si tu les connais, tu as envie de leur faire plaisir et tu fais d’autres choix. » Cette relation de confiance retrouvée a de nombreuses répercussions. Le mangeur ne se cramponne plus au label bio, il a confiance en son maraîcher. Et, à terme, si le consommateur réalise les difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs, il fera d’autres choix. Des choix qui n’iront pas forcément dans le sens de certaines politiques européennes, mais qui permettront aux agriculteurs de chez nous de vivre décemment et de produire pour leurs concitoyens, une nourriture goûteuse, saine et respectueuse de l’environnement.