Josep est un long métrage qui sortira fin septembre. Réalisé par le dessinateur de presse Aurel, il raconte « une » histoire de Josep Bartoli, dessinateur de presse lui-même qui va vivre et illustrer la Retirada dans le sud de la France. Un film « dessiné » plus qu’animé selon le réalisateur.
Aurel a démarré son propos, en rappelant au public, pour beaucoup composé d’étudiants, son activité principale, dessinateur de presse, plus particulièrement au Monde et au Canard enchaîné. Cela explique son lien avec Josep Bartoli, le héros de son film, qui vient également de là, de la presse catalane.
Avant d’en faire un projet, Aurel connaissait le personnage de Josep Bartoli. Ce qui n’était pas le cas du producteur Serge Lalou (Les Films d’Ici Méditerranée), qui en savait peu sur la guerre d’Espagne et ne se considérait pas comme spécialiste de l’animation, même s’il a quand même produit Valse avec Bachir ! Pour le producteur, la première question à se poser pour un film est sa nécessité, se demander de quoi il parle. « En l’occurrence de la guerre d’Espagne, des migrants et de la question du dessin, notamment politique. Quand on commence à travailler sur ce projet, c’est avant Charlie Hebdo, et l’attentat va donner une résonance particulière au dessin politique. Le projet était celui d’un dessinateur engagé sur un autre dessinateur engagé. Il porte quelque chose d’important aussi pour notre époque, sur l’importance constante du dessin et la manière dont il décrit le monde. »
Josep a pour fond une page un peu oubliée de l’Histoire de l’Europe : la Retirada, quand 500 000 Républicains espagnols fuyant la dictature se sont réfugiés en 1939 en France, qui va se révéler incapable de les accueillir et va les parquer dans le Sud dans des camps de concentration.
Josep Bartoli, né en 1910 à Barcelone, a démarré ses dessins pendant la période républicaine espagnole, dans les années 1930, dans la presse marxiste et communiste. Puis, il s’engage pour combattre le franquisme. Il passe trois ans sur le front et revient à Barcelone. En 1939, quand les Républicains perdent la guerre, il franchit les Pyrénées, les Espagnols sont donc très mal accueillis, enfermés dans des camps où il va beaucoup dessiner. Il va s’échapper et embarquer pour le Mexique avec tous ses dessins, où il en fera un livre . Il a une liaison avec Frida Kahlo, puis part à New York où il a vécu jusqu’à sa mort en 1995.
Aurel a découvert le travail de Josep grâce à son neveu, Georges Bartoli, qui a écrit un livre sur la Retirada de ses parents, illustré par les dessins de son oncle. « J’ai eu la chance d’avoir un sujet en or : un dessinateur que personne ne connaît et en même temps des sources invraisemblables, via son neveu et sa veuve (beaucoup plus jeune que lui) et qui m’a donné accès à toute l’œuvre originale de Josep Bartoli pour m’en inspirer. » La difficulté était de savoir quoi faire de toute cette matière. L’équipe a alors approché le scénariste Jean-Louis Milesi, pour trouver un ancrage dans la fiction. Celui-ci va inventer un personnage, un gendarme qui se lie d’amitié avec Josep et l’aide à s’échapper des camps. Aurel a pioché dans les archives de Bartoli pour créer des personnages et Jean-Louis Milesi est allé, lui, piocher un tas de petits détails à partir duquel il a brodé une histoire « en y insufflant ma connaissance et mon vécu de dessinateur ».
Le sujet des voix des personnages a été très important. Aurel a voulu y travailler dès le début. Il va être suivi par Sergi López (Josep), Bruno Solo, Gérard Hernandez, David Marsais, mais aussi la chanteuse espagnole Silvia Pérez Cruz. Celle-ci prête sa voix à tous les personnages féminins. « Il était important que la même voix suive Josep, quel que soit le personnage de femme. Cette voix est celle qu’on suppose de la femme qu’il cherche », a expliqué le réalisateur. Le film sera en quatre langues : français, castillan, catalan et anglais pour la partie à New York.
Le film a été conçu comme « une histoire de Josep » et non pas d’un biopic, a souligné Aurel. « C’est avant tout un film autour du dessin. D’où l’intérêt qu’il soit fait par un dessinateur. L’enjeu principal était d’utiliser la forme du dessin pour participer à la narration et essayer de partager avec le public l’imaginaire du dessinateur. » Son idée était de proposer au spectateur d’être « assis sur l’épaule du dessinateur à sa table à dessin », en étant au plus juste de ce qui se passe dans l’imaginaire de Josep et d’aller à l’essentiel de ce qu’il y a à comprendre. Pour Aurel, « l’ambition est plus de réaliser un film dessiné plus qu’un film d’animation ».
Pour monter le titre, Serge Lalou a évidemment tenté une coproduction espagnole mais celle-ci a rencontré des difficultés et il a fallu réinventer le film dans une économie plus réduite, avec un budget de 2,7 M€. Josep a pu bénéficier dès le départ d’un fort soutien de la région Occitanie, au moment de la fusion des régions, le sujet de la Retirada constituant « une mémoire collective possible ». Serge Lalou a ensuite trouvé les appuis de France 3 Cinéma, des Films du Poisson Rouge qui assurent la production exécutive en Nouvelle-Aquitaine, dans la région Grand-Est, puis en Belgique. Mais pour le producteur, il s’agissait de positionner très tôt Josep non pas en film d’animation, mais bien comme le film d’un dessinateur sur un autre dessinateur. Il est alors allé voir Doc and Film pour l’international et Sophie Dulac pour la distribution France.
Sur la fabrication elle-même, Catherine Esteves, des Films du Poisson Rouge, qui assure la production exécutive, a précisé que le planning et le budget serré ont nécessité de s’appuyer sur un story-board très précis. Elle a expliqué qu’il était « impossible d’éclater la fabrication, car il fallait garder le trait d’Aurel et affirmer le dessin comme un personnage à part entière. Le film compte aussi plusieurs époques avec des univers graphiques différents, une période contemporaine avec une animation classique, et une partie mémorielle qui se décompose en plusieurs chapitres : les camps, l’arrivée au Mexique.
Sur le dessin, le travail a consisté à rechercher une efficacité basée sur des archives plutôt qu’une recherche de justesse d’une animation ou d’un mouvement. L’essentiel étant pour le réalisateur ait le sens de ce qu’il veut raconter, lié à son expérience de dessin de presse. « Le projet n’est pas de tendre vers une animation parfaite mais vers l’élément graphique le plus juste dans son sentiment ». Il a fallu ici s’attacher à l’efficacité du trait, le travail d’un dessinateur de presse étant de faire passer le mouvement dans un seul dessin, « ce qui un peu antinomique de l’animation ». Le défi était de trouver le point d’équilibre entre ces deux mondes, le dessin de presse et l’animation. Pour Aurel, les dessins qu’il a créés sont comme de nouveaux personnages et non pas une adaptation des dessins de Josep Bartoli. Des dessins originaux que l’on verra très peu sauf un peu à la fin, a indiqué Aurel.
Enfin, cette prise de parole, s’est terminé en musique. Aurel a raconté qu’il avait demandé à Jean-Louis Milesi d’introduire une chanson qui reviendrait régulièrement, dans le film pensant à un morceau de Leonard Cohen, que Silvia Perez Cruz avait déjà interprétée. Mais la chanteuse a convaincu le réalisateur de créer une chanson, en espagnol.
Le film français Sarah Drouhaud