Locarno 2016 : L’Ornithologue de Joao Pedro Rodrigues – Prix de la mise en scène

 

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Les photos de repérages ou tournage publiées en début d’année, annonçaient le défi qui attendait le réalisateur Joao Pedro Rodrigues : sortir de son cadre habituel, la ville, qui depuis quinze ans hantait son cinéma jusqu’à le submerger. Sa précédente fiction, La dernière fois que j’ai vu Macao (2012) était parfois fascinante dans la description de la ville, mais avait aussi des allures d’impasse voire de sur-place.

Dès les premières séquences en format scope, nous présentant l’ornithologue Fernando (Paul Hamy), jusqu’au titre du film apparaissant en rouge on ne peut plus vif sur les falaises, on devine que Rodrigues tient là son film bigger than life. Filmé comme un western, en décors naturels (une réserve du Portugal), avec ses campements, canyons et rapides, où planent rapaces et espèces rares ou protégées. On reste stupéfait de cette ouverture somptueuse, peu bavarde, qui relève tout autant du documentaire animalier rêveur que de l’annonce d’un possible survival dans les grands espaces. Un travail de préparation fructueux (entre autre composé par les séquences ornithologiques de la région, réalisées en amont du tournage) pour faire de cet immense parc, un personnage à part entière, ou au moins un arbitre malin des événements à venir.

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Une fois son héros emporté dans un torrent incontrôlable, le réalisateur va pouvoir redistribuer les cartes de ses fantasmes et obsessions et prendre le paysage comme terrain de jeux. Des rencontres marqueront les étapes de ce parcours au moins initiatique. Supplice d’extrême-orient, passion dangereuse avec un jeune berger, élévation mystique,…Sous le regard d’un aigle royal, d’une cigogne noire ou d’un hibou inquiétant, c’est la folie qui s’empare du film. Nous faisant revivre par une succession de photos le chemin de Compostelle, nous emmenant au cœur d’une cérémonie païenne anxiogène, ou faisant échouer l’Arche de Noé en pleine forêt. L’inquiétude devant tant de signes, symboles, références artistiques et religieuses est tout à fait légitime. Et aussi bien mise en scène soit-elle, cette dualité de Fernando, pouvait verrouiller le film, même dans son décor naturel sans limites.

Tout en restant sur les traces de quelques chefs-d’oeuvre magiques et fiévreux (le Tropical Malady de Weerasethakul, comme borne pour des années à venir), Joao Pedro Rodrigues va pourtant déjouer tous les pronostics de vertiges arty dans son ultime séquence, qu’il ne faut évidemment pas dévoiler. Après avoir revisité les mythes et promené son double ornithologue dans une délirante quête de soi, le metteur en scène signe sa pièce maîtresse en chanson et en reposant les pieds sur terre. Indices vagues et ouverts pour les futurs spectateurs, d’un final ahurissant et bouleversant..

Posted By Thomas Malésieux on 25/08/2016

 

Et plus si affinités

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