Programmation et animation de la salle Roxane Club à Versailles.

La chute du ciel

De Eryk Rocha & Gabriela Carneiro da Cunha
Brésil, Italie, Yanomami, documentaire, 1h50, VOstf

Les Yanomami, tribu indigène de l’Amazonie brésilienne, mènent une lutte acharnée pour préserver leur territoire et leur mode de vie ancestral face à la menace du « peuple de la marchandise ». À travers le discours puissant de Davi Kopenawa, chaman et porte-parole de sa communauté, le film offre une immersion profonde dans leur cosmologie et se fait l’écho d’un appel urgent à la sauvegarde de la forêt et à la redéfinition de notre rapport à la nature..
DIMANCHE 16 → Soirée débat avec Irène Bellier, Sciences Po (1976), Doctorat en ethnologie et anthropologie sociale de l’EHESS, directrice de recherches émérite au CNRS.

LA GÈNÈSE DU PROJET

Le film est librement inspiré du livre éponyme écrit par le chaman yanomami Davi Kopenawa et l’anthropologue français Bruce Albert, à l’issue d’une collaboration de 30 ans entre les deux hommes.
Plutôt que de chercher simplement à transposer le livre en images, les réalisateurs ont souhaité ajouter un chapitre cinématographique à l’œuvre littéraire, en se nourrissant de l’amitié développée depuis 2017 avec Davi Kopenawa, son fils Dário Vitório Kopenawa, Bruce Albert et plus largement avec les Yanomami de la maison collective de Watoriki et l’Association Yanomami Hutukara, co-productrice du projet.

Dans « La Chute du Ciel », Davi Kopenawa part de la prophétie Yanomami annonçant la fin du monde imminente, pour confronter les napë, blancs non-indigènes, aux enjeux humanitaires, environnementaux et climatiques. Il explique : « Ce film a pour but de montrer aux gens de la ville que notre façon de vivre et de travailler est différente de la leur. Elle ne détruit pas la forêt et ne nuit pas à notre terre mère. C’est un moyen de leur faire ressentir de l’amour, de l’empathie et du respect pour notre peuple, notre nature, nos rivières. Ainsi, les générations futures pourront entendre, elles-aussi, notre appel. Le film a une force et une énergie très puissante. C’est la force de la Terre Mère qui se manifeste à l’écran, pour que les gens de la ville en soient témoins, et apprennent à la respecter. »

Les réalisateurs et leur objectif

« La forêt est vivante. Elle ne mourra que si les Blancs persistent à la détruire. (…) Alors nous mourrons, les uns après les autres, les Blancs et nous. Tous les chamans finiront par mourir.
Et quand il n’en restera plus un seul pour soutenir le ciel, celui-ci s’effondrera ».

M. Davi Kopenawa

RITES ET COSMOLOGIE DES YANOMAMI

Le documentaire s’articule autour du rituel funéraire du Reahu. Cette cérémonie, la plus importante dans la cosmologie des Yanomami, rassemble des centaines de proches du défunt dans le but d’effacer toute trace de son passage sur terre, lui permettant ainsi d’accéder à l’oubli absolu.
le film dévoile peu à peu la cosmologie des Yanomami et le monde des esprits Xapiri. Il présente le travail des chamans, qui soutiennent le ciel et guérissent le monde des gangrènes introduites par les non-autochtones : l’exploitation minière illégale, le siège des terre autochtones perpétré par le “peuple de la marchandise”, et la plus menaçante d’entre elles, la Revanche de la Terre.

« Dépassant à bien des niveaux le format purement documentaire, La Chute du Ciel offre une expérience esthétique puissante et unique. Le spectateur est instantanément immergé dans l’épicentre du fascinant opéra métaphysique qu’est le « monde-forêt» Yanomami » | Bruce Albert – Anthropologue et co-auteurdu livre « La Chute du Ciel »

ASSOCIATION HUTUKARA YANOMAMI

En 2004, les Yanomami de onze régions du Brésil se sont coordonnés pour créer l’association Hutukara, “la partie du ciel où la terre est née”. Cette dernière regroupe et fédère les diverses communautés Yanomami et Ye’kwana d’Amazonie, avec comme objectif de défendre leur droit auprès du gouvernement brésilien et de sensibiliser l’opinion publique internationale à la cause autochtone. Présidée par Davi Kopenawa, grand chaman et leader reconnu dans le monde entier pour son travail, Hutukara est également engagée pour la protection de la forêt tropicale, face au déclin rapide de la biodiversité à l’échelle mondiale et à l’aggravation des effets du dérèglement climatique. Le savoir-faire Yanomami en matière de préservation et d’occupation durable des terres forestières, représente en effet une ressource cruciale pour la sauvegarde de nos écosystèmes.

LA GÉOPOLITIQUE DE LA TRIBU

Le tournage s’est déroulé dans la maloca des Watoriki, la grande maison circulaire dressée au cœur de la communauté, où Davi Kopenawa et sa famille vivent. Il est situé en Terre Indigène Yanomami, le plus grand territoire indigène au Brésil, officiellement reconnu par le gouvernement brésilien en 1992 grâce à la lutte acharnée de Davi pour faire reconnaitre les droits de son peuple.
Les Yanomami sont une société de chasseurs-cueilleurs vivant au nord de l’Amazonie, dont les contacts avec les sociétés industrialisées sont relativement récents. Leur territoire, situé entre le Brésil et le Venezuela, est l’une des plus grandes zone de forêt tropicale ininterrompue du monde.
Au Brésil, on décompte encore environ 30 000 Yanomami répartis dans plus de 300 communautés. Toutes sont confrontées à une grave crise humanitaire, provoquée par l’invasion massive de mineurs et d’orpailleurs à la recherche de minéraux, principalement d’or et de cassitérite. Ces dernières années, le nombre de ces envahisseurs a entrainé une nette augmentation des violences, la contaminations au mercure de l’eau et des poissons, la déforestation massive et la prolifération de nombreuses maladies inconnues des Yanomami, dont le paludisme. Les données gouvernementales montrent qu’au moins 570 enfants de moins de 5 ans sont morts sur le territoire entre 2019 et 2022. L’année dernière, malgré l’arrivée au pouvoir du gouvernement Lula, plus sensible à leur cause, 308 Yanomami sont morts au cours des 11 premiers mois, dont 104 avaient moins d’un an.

6 650 km2 – 32 000 habitants autochtones – 300 communautés – 20 000 orpailleurs/mineurs